Couleurs de Pâques

J’ai vu les œufs rouges, les œufs peints ; on m’en apporte. Les plus nombreux, les plus ordinaires, sont rouge sang. Mais il y en aussi des bleus, des verts, des jaunes, et même des noirs. Les noirs représentent « la douleur du supplice de Jésus ». Il en est d’autres tout couverts de dessins étranges, ils émerveillent ; ils ne sont pas dans la nature ; ils ont le charme du fard, l’attrait de ce qui ne s’est pas fait tout seul ; la mystérieuse sensualité de la peinture s’en dégage. La peine qu’il faut prendre pour les colorier des tons les plus vifs, les plus frais, pour les décorer avec un art minutieux d’enlumineur, ne sera pas perdue. Les femmes qui se livrent à cette opération délicate savent bien que les enfants, et les hommes qui leur ressemblent, se réjouiront davantage en mangeant un œuf bleu, un œuf rouge, un œuf couvert de rébus et d’entrelacs, qu’en mangeant un simple œuf blanc de poule, comme on en voit tous les jours.

Princesse Bibesco, Isvor