À Moscou

Au-dessus de maisons qui ne différaient pas beaucoup de celles de Saint-Pétersbourg, s’arrondissaient parfois des coupoles d’azur étoiles d’or, ou des clochers bulbeux revêtus d’étain ; une église d’architecture rococo dressait sa façade coloriée d’un rouge vif et bizarrement rehaussée de neige à toutes les saillies ; d’autres fois l’œil était surpris par une chapelle peinte en bleu Marie-Louise que l’hiver avait, çà et là, glacé d’argent. La question de l’architecture polychrome, si vivement débattue encore parmi nous, est depuis longtemps tranchée en Russie ; on y dore, on y argente, on y peint de toutes couleurs les édifices sans le moindre souci du bon goût et de la sobriété, comme l’entendent les pseudo-classiques, car il est certain que les Grecs donnaient des teintes variées à leurs monuments et même à leurs statues. Rien de plus amusant que cette riche palette appliquée à l’architecture condamnée dans l’Occident aux gris blafards, aux jaunes neutres et aux blancs sales.
Théophile Gautier, Voyage en Russie